Je suis père. J’ai la rĂ©sidence principale de ma fille. Et je suis en colère
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Ce n’est pas un secret. La justice m’a confiĂ© la rĂ©sidence principale de ma fille. Une dĂ©cision prise dans l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant, suite Ă des circonstances difficiles oĂą nous avons tous deux Ă©tĂ© victimes de violences (une rĂ©alitĂ© attestĂ©e par 15 jours d’ITT). Ma prioritĂ© est d’assurer la stabilitĂ© et la sĂ©curitĂ© de ma fille.
Pourtant, au quotidien, ce statut est un combat. Je ne me bats pas contre la loi, qui a tranchĂ©, mais contre l’inertie administrative et les prĂ©jugĂ©s sociaux qui n’arrivent pas Ă intĂ©grer une simple vĂ©ritĂ© : la parentalitĂ© et la rĂ©sidence principale n’ont pas de genre.
Aujourd’hui, je partage ce tĂ©moignage pour mettre en lumière la double peine que subissent de nombreux pères dans ma situation.
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I. Le Mur Administratif : « Vous ĂŞtes sĂ»r que ce n’est pas une erreur ? »
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Le premier front est celui des démarches administratives.
Chaque fois que je dois fournir des justificatifs de revenus pour une aide, une inscription, ou un dossier, l’histoire se rĂ©pète. La mention « pension perçue » sur mes documents dĂ©clenche invariablement la mĂŞme rĂ©action d’incrĂ©dulitĂ© : « Vous ĂŞtes sĂ»r que ce n’est pas une erreur ? Ce n’est pas plutĂ´t vous qui versez une pension ? »
Je dois alors m’armer de patience et sortir l’ordonnance du Juge aux Affaires Familiales. Ce n’est pas seulement un papier, c’est une dĂ©cision lourde. Quand on lit Ă haute voix le paragraphe oĂą il est stipulĂ© que la rĂ©sidence principale m’est attribuĂ©e en raison des violences que ma fille et moi avons subies, le malaise est palpable.
C’est une Ă©preuve humiliante. Je suis contraint de revivre publiquement un moment traumatisant, non pas par nĂ©cessitĂ© lĂ©gale, mais uniquement pour prouver mon statut de parent principal, comme si ce statut Ă©tait par dĂ©faut rĂ©servĂ© Ă la mère.
De plus, si je perçois cette pension par l’intermĂ©diaire de l’ARIPA (Agence de recouvrement des impayĂ©s de pensions alimentaires), c’est justement parce que l’autre parent ne la verse pas en temps et en heure. Ce dispositif, conçu pour les situations complexes, renforce pourtant auprès de l’administration le caractère « anormal » de ma situation.
II. L’invisibilitĂ© institutionnelle : L’habitude prime sur le Droit
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Le second front, plus insidieux, est celui des institutions du quotidien. L’Ă©cole en est le parfait exemple.
Je suis le reprĂ©sentant lĂ©gal de ma fille, le parent dĂ©signĂ© pour recevoir les communications administratives. Or, lors des rĂ©unions, les enseignants et l’administration continuent d’envoyer systĂ©matiquement tous les courriers, les informations importantes, et les convocations Ă mon ex-conjointe.
La justification est toujours la mĂŞme, dĂ©concertante de simplicitĂ© : « Nous n’avons pas l’habitude que ce soit le père qui soit le responsable au niveau administratif. »
Cette simple « habitude » est une violation directe de la dĂ©cision de justice et de mon rĂ´le. Elle me place dans une situation de handicap informatif, me forçant Ă courir après les documents ou Ă rappeler constamment l’Ă©cole Ă l’ordre.
Ce n’est pas de la malveillance, c’est une inertie institutionnelle alimentĂ©e par des prĂ©jugĂ©s de genre. La sociĂ©tĂ© a du mal Ă dĂ©coller l’image du « responsable administratif » de la figure maternelle, mĂŞme face Ă une ordonnance du JAF en bonne et due forme.
Conclusion : La ParentalitĂ© n’a pas de genre
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Mon billet d’humeur est un appel. Un appel Ă la sociĂ©tĂ© pour qu’elle cesse de considĂ©rer un père avec la rĂ©sidence principale comme une anomalie, une erreur, ou une exception qui nĂ©cessite une justification constante.
J’ai fait face Ă la justice, et la justice a reconnu l’intĂ©rĂŞt de ma fille. Maintenant, je dois faire face aux prĂ©jugĂ©s. Cet Ă©puisement Ă©motionnel, ce temps perdu Ă justifier ma place, est une charge supplĂ©mentaire qui pèse sur mon rĂ´le de parent.
Il est temps de mettre à jour les mentalités. Les pères sont des parents à part entière.
Si vous travaillez dans l’administration ou l’Ă©ducation, rappelez-vous que la dĂ©cision de justice prime toujours sur l’habitude.
Et vous, avez-vous vĂ©cu une situation similaire oĂą les prĂ©jugĂ©s ont pris le pas sur le droit ? Partagez votre expĂ©rience en commentaire, car c’est en brisant ce silence que nous ferons Ă©voluer les mentalitĂ©s.
